Pages Poésie. Littérature . Gravure . Peinture. Photographie. Divers. Bio

mardi 20 décembre 2011

Inventaire de silences


                                   1
                  Dans le minime espace
                  frotter le silence au silence
                  et attendre

2

Marcher à contre-vent

longer le mur de silence

soudain une bourrasque de cris


3
sur ma page l'encre a coulé
étoile noire
tu mesures le silence


4
au bout de sa nuit
un chat noir m'a fait signe
le silence s'est étiré

5
je me trouvais en un mot
endormi
le silence s'est levé

6
doigts du gant
retroussés
le silence s'est retourné contre moi


7
quelques silences lovés
dans l'ombre du mur
le soleil viendra les débusquer

8
j'ai mis mes silences à jour
comme le soleil
ses dentelles

9
garder ses rêves au frais
dans le silence blanc
j'ai tapoté la taie


10

dans le ventre des nuages

des silences de coton

se cachent blanc sur blanc


                                                                     photo d' A . P.


11
le silence de cette page
blanche et noire
l'encre parle

12
mots chauffés à blanc
dans les feux de nuit
le silence craque

13
les blanches asphodèles
éventent en silence
l'âme des pierres

14
chacun tend ses silences
comme l'escargot ses yeux
on parle

15
au-dessous de la ligne
à la flottaison des mots
le silence tremble

16
dans le sablier
tombe du silence
faire passer le temps

17
la neige me dit:
je n'apporte que mon silence
c'est à dire tout

18
il y a des mots
qui s'écrivent sur tes lèvres
tu te tais

19
mon sac plein
de silences
une parole pour le fermer

20
neige sur neige
blanc sur blanc
silence sur silence


21

de la neige sur de la neige

du blanc sur du blanc

méditation du silence




22

les mots de la neige

écriture du silence

ardoise magique


 
23

il y a des silences

qui laissent des traces

comme le sillage du bateau



24

je suis sorti de mon silence

la chambre est froide

mais le ciel est bleu



25

entre deux sirènes

les brumes du silence

sur le quai



26

il y a des salles de pas perdus

où sont celles des silences retrouvés ?

Chut !



27

Le silence se voit

seules les mouches

ne l'observent pas


samedi 17 décembre 2011

Page d'écriture.



                                          Le livre des pierres
                                          Ecriture blanche
                                          Lichen volubilis 




           Ecriture du temps
           Ecrire c'est s'effacer dans les mots
           Ou surtout dans les choses

















 
Délitement du souvenir
Dans les ombres noires
L'écharpe blanche du matin


                                         Enveloppe de gaze
                                         Souvenir enroulé
                                         Quand le temps cherchait encore ses mots


                                                                                 Sur la pierre
                                                                                 Du temps
                                                                                 D'avant les mots

Pas l'ombre d'une trace.,



Une leçon de cinéma par Aki Kaurismaki . Interview à Cannes:

Vous prenez un homme et une femme devant un mur gris illuminé.
Enlevez le gars.
Reste la fille devant le mur.
Enlevez la fille, il ne reste plus que le mur avec la lumière et l'ombre.
Retirez le mur, il ne reste plus que la lumière et l'ombre.
Retirez la lumière, il ne reste plus que le film parfait : l' OMBRE .


"L'homme est le songe d'une ombre"
                                                              PINDARE



Ombre
ou Pas d'ombre


L'ombre d'un doute
ou Le doute de l'ombre.















Sur la vitre
doigts de pluie



Etrange familiarité
être la fenêtre
le dedans et le dehors


Suivre le fil des arbres dans l'eau
ou le fil de l'eau dans les arbres

                                        

                                         "La Nature est un temple où de vivants piliers
                                          Laissent parfois sortir de confuses paroles;
                                          L'homme y passe à travers des forêts de symboles
                                         Qui l'observent avec des regards familiers."

                                                                            BAUDELAIRE / Correspondances.

mercredi 14 décembre 2011

TRACE CARTE ECART



 Une  Main

 Une  Trace

 Un  Œil
 
                        Une main
                un jour
                a inscrit ces traces


Un œil
un jour
a vu ces traces




 Entre cette main
 et cet œil
 un écart


une distance qui rapproche

Un œil
à la dérobée 
a volé la carte


Il reste le territoire


Qui a inscrit cette trace ?
Qui a volé cette carte ?
Qu'importe.





Tout ce que je sais aujourd'hui, c'est que je ne sais plus raconter l'histoire de cette main qui a laissé cette empreinte.



Tout ce que je sais
c'est qu'il y eut  quelqu'un 
quelque jour
qui  écrivit quelque chose
                                                                  quelqu'un
                                                                                    qui marqua son territoire
                                                                                    en y laissant sa trace
                                                                                    et sa carte.

mardi 13 décembre 2011

MISCELLANEES 7 ECRIRE




 "Ecrire, c'est creuser dans du noir." Guillevic.




"Ecrire, c'est voir aussi distinctement de jour que de nuit." Edmond Jabès.



.
"Parler, c'est parcourir un fil
Ecrire , c'est au contraire le posséder, le démêler." Erri de Luca.




"On écrit toujours dans une langue étrangère." Kafka.






"Pour écrire, il faut que ce soit la vie qui m'intéresse, et non moi qui m'intéresse à la vie. C'est clair?"   Henry Thomas

lundi 12 décembre 2011

ROMAN OPALKA (1931 / 2011) . Premier artiste "ZEITISTE"

Après Bartleby, le scrivener de Melville qui , après avoir passé ses jours et nuits à "pisser de la copie" notariale, a préféré ne pas ...

Après Robert Walser, le logographe qui, comme la seiche de Henri Michaux, a rempli son territoire de crayon de ses écritures minuscules, passant du blanc vers le noir avant d'écrire son dernier message dans un lit de neige où il mourut, le jour de Noël 1956...

Voici Roman Opalka , qui va passer du noir au blanc, vers la neige de l'infini . Enregistreur du temps qui passe...sur sa toile,enregistreur des traces du vieillissement sur ses autoportraits photographiques et enregistreur de sa voix ,sur ses bandes magnétiques ; cette voix prononçant en polonais les nombres qui le séparent de l'infini .






               Né en France de parents polonais en 1931, artiste plasticien et graveur, Roman Opalka a un jour une révélation et va illustrer à sa manière l'ouvrage de Georges Perec , d'origine polonaise comme lui, "La vie, mode d'emploi", romanS; En 1965, il attend sa femme dans un café de Varsovie. Comme elle tarde à venir, pour "tuer le temps", Opalka décide d'écrire sur un bout de papier les nombres de 1 à son arrivée.
"Quand j'ai posé le chiffre 1, c'était le big bang. "

              Il se lance alors "dans une promenade méditative sur l'œuvre et sur le temps", sur l'œuvre du temps sur son corps.Il a trouvé un mode d'emploi de sa vie : pictural, photographique et phonographique.

1 / Peindre :
                     De 1965 à 2011, date de sa mort, pendant 46 ans, il va peindre une série intitulée "Détails". A raison de 5 toiles par an, au total 233 toiles, il va peindre sur une infinité finie de toiles, la suite des nombres croissants de 1 jusqu'à l'infini, à la cadence de 380 nombres par jour de travail. Le dernier nombre écrit ou peint sur sa toile sera 5.569.249. moins l'infini . Au début de son entreprise, le fond de son tableau, de sa table d'écriture était noir. Au fur et à mesure , à chaque nouvelle toile, il rajoute 1% de blanc supplémentaire à son fond, pour aller vers le blanc absolu. Sur la fin il peindra quasiment blanc sur blanc, et ses nombres ne seront plus que filigranes.On retrouve là le SFUMATO , technique de peinture empruntée à Léonard de Vinci: peindre sans lignes (cent lignes ?!) ni contours," à la façon de la fumée ou au-delà du plan focal".
Une  manière nouvelle, mais ô combien plus longue et lente, d'aller vers le carré blanc des peintures monochromes de Malévitch.

2 / Se photographier :



                                    Après chaque séance de travail,devant le tableau auquel il tourne le dos, il se prend en photo noir et blanc, en plan serré sur le visage , avec le même cadrage .Les cheveux peu à peu deviennent aussi blancs que la chemise blanche, les rides se forment, le vieillissement devient visible et sensible.




3 / S'enregistrer :
                            Au fur et à mesure qu'il progresse dans sa toile et qu'il peint les chiffres, un grand magnétophone à bandes enregistre sa voix qui égrène les nombres en langue polonaise.

                                                                   Premier portrait 1965

                                                                   Dernier portrait : 2011.
            
Après le big bang de 1965 et du premier nombre qui le séparait de l'infini, "il fallait construire l'univers au jour le jour. Cependant, mon œuvre est parfaitement finie, puisque une seule toile les contient toutes."
"Quand je peins, je ne pense pas aux nombres, comme un marcheur ne pense pas à ses pas. Je peins la durée."


Voilà donc toute une vie dans une galerie, dans un grand couloir lumineux.
.   .une sorte de LABYRINTHE rectiligne dont on peut suivre le fil et les traces. Un chemin nous rappelant HEIDEGGER, et "Être et Temps". Le SEIN UND ZEIT ;
Roman OPALKA se voyait comme "le premier artiste Zeitiste "
           
                            Pour boucler la boucle, revenons à Perec avec Percival  Bartlebooth, personnage principal de "La vie, mode d'emploi", un mélange de Perceval de Chrétien de Troyes, de Bartleby de Melville et de Barnaabooth de Valéry Larbaud ; Comme Bartlebooth, Roman OPALKA, est un personnage Perecquien et donc Oulipien. De même que Bartlebooth avait demandé à un ami artiste de peindre une aquarelle dans chaque port célèbre du monde entier, de même que ces aquarelles étaient par la suite transformées en puzzle avant d'être détruites sur les lieux mêmes où elles avaient été réalisées, de même Opalka se lance  dans un pari aussi fou que de vouloir planifier sa vie et son œuvre dans cette numération vers l'infini .Le roman de Perec s'achève à l'heure exacte du décès de Percival Bartlebooth devant un puzzle inachevé où il manque une pièce en forme de W . La Série Détail de Opalka s'achève avec la mort de son créateur  Le dernier nombre écrit ou peint sur sa toile sera 5.569.249. moins l'infini.

http://www.youtube.com/watch?v=p5I0rDF_xpQ

samedi 10 décembre 2011

NOTES DE LECTURES SUR LE HAÏKU


 
  •  
  • Ces notes je les ai prises en lisant les ouvrages suivants: "L'empire des signes" de Roland Barthes. La préface écrite par Yves Bonnefoy  au recueil de haïku constitué par Roger Munier et sobrement intitulé "Haïku".et enfin le"petit manuel pour écrire des haïku" de Philippe Costa.
  •  
  • Le haïku est l'art de suggérer un sentiment sans le décrire, en passant par les sensations, à travers une épiphanie.
  • Roland Barthes : "Le haïku est l'art d'écrémer la réalité de sa vibration idéologique."c.a.d. de tout commentaire, même virtuel. Le haïku suggère un sentiment précis qui ne sera pas nommé mais sera partagé par le lecteur.
  • Les principes de l'esthétique japonaise et du haïku : sincérité + légèreté + objectivité + tendresse 


                                       
Le MA  = toute séparation et toute relation entre 2 instants
                                                                           2 lieux
                                                                           2 états

                                                                   
             = ce qui est commun à l'espace et au temps.

Le MA = YARNI + UTSUROÏ + SABI +FUEKI +RYUKO +WABI + MICHIYUKI + HIMOROGI

  1. YARNI = ce qui clignote, ce qui scintille , ce qui sort brièvement de la pénombre.
  2. UTSUROY = le moment où la fleur va faner, où l'âme d'une chose est comme suspendue dans le vide entre deux états. L'ombre en mouvement, l'intervalle du vide.
  3. SABI = la patine, l'usure à fleur de peau, la rouille, la fascination pour ce qui passe.
  4. FUEKI = l'invariant, l'éternité. Ce qui ne bouge pas, ne change pas .
  5. RYUKO = la fluidité, l'éphémère, le mouvement. L'irruption d'un événement éphémère ou trivial qui vient chasser le sérieux, qui crée l'humour.
  6. WABI = la beauté dépouillée en accord avec la nature.
  7. MICHIYUKI = une ligne sans profondeur, des trajets de pierre, une suite d'instants. Chemins et cheminements . (amants en fuite, pélerinages, jardins, ruelles, galeries...)
     8 .HIMOROGI = espace sacré, secret, délimité par le geste de l'haruspice ou de l'augure. Le sanctuaire, la pièce des dieux (ex. des pins dans la brume ; 4 poteaux; 1 corde ; au milieu une pierre  où vient le dieu.)



    vendredi 9 décembre 2011

    Notules sur le Haïku



    1. La maladie de l'Occident : vouloir tout dire, tout expliquer, tout analyser. La supériorité de l'Orient : se contenter d'indiquer / le déictique / l'index .
    2. Beau titre pour un recueil de Haïku: INDICATIF PRÉSENT (ça a lieu ) ou PARFAIT (ça a eu lieu ). A peine commencé, déjà fini...définitivement provisoire / provisoirement définitif. ",Coucou, je ne fais que passer", voilà ce que je dis à mon miroir.
    3. L' anamnèse est un parfum sans support, un grain de mémoire, une simple fragrance. Le haïku-anamnèse  est une bulle de savon qui, à peine née, va disparaître, éclater...le contraire de la photo qui fixe (fixateur) et révèle.(Photographie de Soizic Michelot, auteur du recueil "Petits chants de la pluie et du beau temps". Vous trouverez ci-contre le lien vers son blog "réminiscences")
    4. Le haïku est un grain de sable...au lecteur de reconstituer le sablier pour tuer le temps ; au lecteur le plaisir de reconstituer toute la plage (ou toute la page!) , d'y mettre son seau (ou son sceau!) et sa pelle . Au lecteur d'y reconstruire son château de sable qui bientôt sera détruit par une vague à marée montante.
    5. L' éphémère , le provisoire, c'est quelque chose de fluide, de bref mais qui durera longtemps dans l'esprit du lecteur.
              HAÏKU : c'est quelque chose de l'ordre de la fractale, qui à partir d'un  presque rien dit le presque tout , sans enfermer le lecteur dans un univers construit et imposé par l'auteur.




    "HAÏKU : lucarne ouverte un instant sur un petit fait naturel, sourire à demi-formé, soupir interrompu avant d'être entendu." Basil Hall Chamberlain.



                    


     HAÏKU :  "Quitter le banal , en se servant du banal." Zen Buson





     HAÏKU  :  Capture du temps dans trois lignes définitivement provisoires. Jac P.


                  
                                                                          HAÏKU  :  "No concept
                                                                                             No affect
                                         Only percept. "



    Ma Méthode :

    1. Etre disponible . Etre là . Etre ouvert au monde . Se mettre au monde .
    2. Voir une chose , la sentir, la toucher, l'écouter, la goûter. Tendre un miroir, l'espace minime  d'un miroir . Le haïku est un recueil de sensations.
    3. Éprouver un sentiment mais surtout ne pas le dire . Se contenter de le suggérer, de désigner une réalité, TELLE QUELLE, sans chercher à la décrire .
    4. Faire surgir un phénomène qui , dans le troisième vers , va créer la surprise du lecteur. Suggérer , (surtout sans mettre les points sur les I ) un rapport avec un autre élément, un événement , une épiphanie . Ce rapport peut être de proximité, d'opposition, de comparaison, de conséquence...

    1.  
    Et pour finir un haïku d' ONITSURA           
               
    Mon âme plonge dans l'eau
    et ressort
    avec le cormoran

     Se contenter d'écrire "l'un, l' autre". Onitsura a remplacé le "comme"par le "avec". L'âme n'est pas le cormoran, mais l'âme, comme le cormoran, ont plongé dans l'eau.


    La comparaison est simplement suggérée. Au lecteur de deviner et d'établir implicitement le rapport logique.

    N.B. Voir dans les archives de ce blog, quelques articles  du mois de mars 2011, consacrés au Haïku et à mes recueils.

    Microgrammes de Robert Walser. Traces de pas dans la neige.





     


    Des traces dans la neige : Robert Walser



    Écrire, écrire partout.
    Écrire des univers majuscules dans des espaces minuscules.
    Écrire comme un rouge gorge, l'hiver, avec ses pattes sur la neige.

                   Robert Walser avait son « territoire de crayon »: enveloppes,, pages de calendriers, feuilles d'impôts,,papiers d'emballage, cartes de visite...Tout y passe, tout est support pour son écriture de pattes de mouche, pour ses microgrammes . Durant plus de 20 ans, Robert Walser , à la manière de Bartleby, va devenir le scrivener, le copiste, une sorte de diariste particulier, le secrétaire de ses secrets, de ses sécrétions. Il va se cacher dans son encre, comme la seiche de Michaux, comme le peintre médiéval dans son tableau, comme Wang Fô dans la nouvelle orientale de Marguerite Yourcenar. Dans brouillon, il y a brouiller et brouillard . Walser sait se rendre illisible en brouillant les pistes. Seuls quelques initiés, hommes de « lettres » bien sûr, comme Werner Morlang et Bernard Echte, pourront lire l'illisible, comprendre les traces de celui qu'on a interné dans une clinique, pour schizophrénie chronique . Robert Walser finit par avouer à un médecin qu' « il entendait des voix ». Ecrivait-il sous leur dictée ? Pendant 24 ans , il récupère des papiers partout où il peut, à l'hôpital: sacs de papier d'emballage, enveloppes, coupures de journaux et il griffonne entre 1924 et 1932, jusqu'à l'équivalent de 4000 pages imprimées. Pour quelqu'un qui ne comprendrait pas l'allemand ou même ne saurait pas lire, pour tout amateur de beauté, ces pages noircies sont belles comme des calligraphies orientales. Walser est l'homme-plume .Ecrire c'est aussi dessiner : peintre-copiste-écrivain, il porte sa plume ou plutôt sa mine de plomb, sur son « territoire de crayon ». Là est d'abord sa marque, sa signature , sa « sténographie » personnelle, son « écriture étroite » selon l'étymologie grecque de ce mot. A notre époque d'écriture virtuelle et standardisée de machines à écrire, puis de micro-informatique, seules les générations qui ont appris à écrire à la plume sergent major , à qui on a infligé des punitions de 100 lignes à copier, comprendront les délices et les affres de cette graphomanie. 

                
                   Chaque feuille écrite crie qu'elle est Robert Walser, comme chaque feuille de l'arbre crie qu'elle est arbre .  « La feuille qui est sur l'arbre, connaît-elle sa beauté ? » Que ce soit un début de roman , une description ou un poème, le texte manuscrit de l'auteur est un cheminement sur le gris ou le bistre des papiers d'emballage, ou sur la neige de la page blanche. La Neige est un motif récurrent de Walser. La neige est le silence final qu'il est en train de préparer, ses mots tombent sur la feuille comme des flocons noirs, comme la trace de ses pas, ses derniers pas sur la neige,ses derniers microgrammes. Robert Walser meurt, comme un dernier flocon, lors de sa dernière promenade, le 25 décembre 1956, à l'âge de 78 ans. "Un vieux est mort" dans un linceul blanc comme neige,"blanc comme neige est son visage".

    Esquisse de « La ville sous la neige »

    La neige tombait dans le royaume du soir.
    Puisque me voici en mouvement,
    je flâne par les rues, sans but,
    et vois qu'il neige, paillettes argentines.
    Dans la belle saison mutine,
    certains se promènent à deux,
    agrément que depuis longtemps peut-^tre,
    ils connaissent, s'étant conquis , rejoints,
    et jamais plus l'un de l'autre disjoints.
    Mais il y en a qui vont tout seuls
    et qui, bien que tout seuls,
    sont moins seuls que ceux qui sont deux,
    toujours ensemble et à jamais liés,
    eux qui voudraient parfois se voir déliés
    pour flâner , légers, par la ville.
    A chacun manque ce que l'autre possède,
    et tous, d'une certaine façon, se portent bien.
    Hier au soir, oui, je me sentais serein,
    car elle rappelle, la neige qui se pose,
    le capiteux éparpillement d'une rose.

    Esquisse de « La neige »

    La neige ne monte pas
    mais prenant son élan,descend, et puis se pose.
    Jamais elle ne monta.
    Elle n'est par essence
    à tous égards, que par silence,
    pas trace de vacarme.
    Si seulement tu lui ressemblais.
    Repos , attente
    -telle est son attachante
    et douce identité,
    vivre, pour elle, c'est s'incliner.
    Jamais elle ne remontera
    d'où elle est descendue,
    elle ne court pas, elle est sans but,
    et nous sourit, sans bruit.

    Extraits de Esquisses de « La neige IV »



    (…) Délicate splendeur de la neige.
    Le paysage a l'air d'un petit lit
    tout prêt à servir à l'enfant.
    (...) La neige à présent comble tous les chemins.
    Quelle belle saison nous avons.
    L'herbe guigne, dentelle fine,
    verte sur fond blanc.
    Un vieux est mort dans sa maison,
    blanc comme neige est son visage.
    Où tombe la neige, elle demeure,
    elle ne bouge ni ne fléchit.

    Robert Walser.