Pages Poésie. Littérature . Gravure . Peinture. Photographie. Divers. Bio

mardi 9 octobre 2012

Pessoa et ses 72 hétéronymes (expo du 28/09 au 10/10/2012)


  Gravure et montage de J Poullaouec





page extraite du Magazine littéraire/ Septembre 1991

citations

Fernando Pessoa a beaucoup parlé de sa ville, Lisbonne, et souvent décrit le ciel immense. voici quelques extraits du livre de l'intranquillité (Éditions Christian Bourgois,Traduction Françoise Laye) .

1/Jour de pluie
L'air est d'un jaune voilé, comme un jaune pâle vu à travers un blanc sale. C'est à peine s'il y a du jaune dans la grisaille de l'air. La pâleur de ce gris, pourtant, recèle un peu de jaune dans sa tristesse.(frag.189)

2/Clairs de lune
...sur l'avalanche nettement découpée des toits superposés, le blanc grisâtre de la lune, humidement souillé d'un brun terne. (frag 434)

3/La ville
Et la ville s'étage en conglomérats de nuit, soulignés de blanc d'un seul côté, avec des nuances bleutées de nacre froide.( frag 435)

4/Un bleu
Un bleu que blanchissait un vert nocturne découpait en brun-noir, vaguement auréolé d'un gris un peu jauni, l'irrégularité froide des bâtiments qui se détachaient sur l'horizon estival.(frag 438)

5/Le ciel de l'été
Le ciel de l'été finissant s'éveillait chaque jour d'un bleu-vert terne, pour virer rapidement à un bleu atténué d'un peu de blanc muet. A l'ouest cependant, il était de la couleur qu'on attribue généralement au ciel tout entier.(frag 440)

6/Je vois les paysages rêvés avec la même précision que les paysages réels. (frag 96)

7/ L'idée de voyager me donne la nausée.
J'ai vu tout ce que je n'avais jamais vu.
J'ai déjà vu tout ce que je n'ai pas vu encore.
...Les paysages sont des répétitions.
...De chaque voyage, même très court,je reviens comme d'un sommeil entrecoupé de rêves-une torpeur confuse, toutes mes sensations collées les unes aux autres, saoul de ce que j'ai vu.( frag 122)

8/C'est alors , sur la plage bruissant seulement de la rumeur des vaguies ou du vent, passant très haut dans le ciel, tel un grand avion irréel, que je m'abandonnais à un nouveau genre de rêves-des choses informes, merveilles à l'impression profonde, sans images et sans émotions, pures à l'égal du ciel et de l'eau, et résonnant comme les volutes déployées de la mer, se dressant depuis les profondeurs de quelque grande vérité; mer d'un bleu tremblotant, oblique dans les lointains qui verdissait en approchant du bord et montrait en en transparence d'autres tons d'un vert glauque...tout un corps de nostalgie avec une âme d'écume, et puis le repos, la mort, ce tout ou ce rien qui encercle, vaste océan, l'île des naufragés qu'est la vie. (frag 198)

9/ Tout sentir, de toutes les manières,; savoir penser avec ses émotions et sentir avec sa pensée...(frag 131)

10/ Je comprends que l'on voyage si on est capable de sentir. C'est pourquoi les livres de voyages se révèlent si pauvres en tant que livres d'expérience, car ils ne valent que par l'imagination , ils peuvent nous enchanter tout autant par la description minutieuse,photographique, à l'égal d'étendards, de paysages sortis de leur imagination, que par la description, forcément moins minutieuse, des paysages qu'ils prétendent avoir vus. Nous sommes tous myopes, sauf vers le dedans. Seul le rêve peut voir avec le regard.
11/ Éternels passagers de nous-mêmes, il n'est pas d'autre paysage que ce que nous sommes. Nous ne possédons rien, car nous ne nous possédons pas nous-mêmes.

12/ Nous sommes ceux que nous ne sommes pas, la vie est brève et triste. Le bruit des vagues, la nuit est celui de la nuit même; et combien l'ont entendu retentir au fond de leur âme, tel l'espoir qui se brise perpétuellement dans l'obscurité, avec un bruit sourd d'écume dans les profondeurs! 

13/ Le matin
Tout seul sur le quai désert
en ce matin d'été
je regarde du côté de la barre,
 je regarde vers l'infini, 
je regarde et suis content de voir
tout petit, noir et clair, un paquebot entrer.
Il apparaît au loin classique à sa manière
dans l'air lointain il laisse derrière lui 
le sillage vain de sa fumée
il entre calmement,
et le matin entre avec lui. ( Ode Maritime )


14/ Dans la nuit...
Roule, grande boule, fourmilière de consciences, terre, roule, teintée d'aurore, chapée de crépuscule, d'aplomb sous les soleils, nocturne,
roule dans l'espace abstrait, dans la nuit à peine éclairée, roule... ( Passage des heures )


15/
« Não sou nada.
Nunca serei nada.
Não posso querer ser nada.
À parte isso, tenho em mim todos os sonhos do mundo. »

« Je ne suis rien
Je ne serai jamais rien
Je ne peux vouloir être rien
Cela dit je porte en moi tous les rêves du monde. » (Bureau de tabac)



16/
Éternels passagers de nous-même, il n'est pas d'autre paysage que ce que nous sommes. Nous ne possédons rien, car nous ne nous possédons pas nous-même. Nous n'avons rien parce que nous ne sommes rien. Quelles mains pourrais-je tendre, et vers quel univers ? Car l'univers n'est pas à moi : c'est moi qui suis l'univers. (L.I. frag.138)

17/
Je m'enfoncerai dans la brume, comme un homme étranger à tout, îlot humain détaché du rêve de la mer, navire doté de trop d'être, à fleur d'eau de tout. (L.I. frag.86)

18/
Entre la vie et moi, une vitre mince. J'ai beau voir et comprendre la vie très clairement, je ne peux la toucher. (L.I. frag.80)


15/
Je vois les paysages rêvés avec la même précision que les paysages réels. (frag 96)


16/
Nous sommes tous myopes, sauf vers le dedans. Seul le rêve peut voir avec le regard.


29/
Le rêveur ne voit que l'important. La réalité véritable d'un objet n'est qu'une partie de lui-même ; le reste n'est que le lourd tribut dont il paie, à la matière, le privilège d'exister dans l'espace...
Un couchant réel est quelque chose d'impondérable et d'éphémère.
Un couchant de rêve est fixe et éternel.

Calligramme original réalisé par l'ami Pierre Converset pour notre exposition . Tirage limité.