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lundi 4 juin 2012

" LE MONT ANALOGUE " de René DAUMAL



                                   
                            Ai-je trouvé le Mont Analogue dans ma gravure ci-dessus ?


 "Pour qu'une montagne puisse jouer le rôle du Mont Analogue, il faut que son sommet soit inaccessible, mais sa base accessible  aux êtres humains tels que la nature les a faits. Elle doit être unique et elle doit exister géographiquement. La porte de l'invisible doit être visible."
Ce roman inachevé de René Daumal ( né en 1908, disparu prématurément à l'âge de 36 ans en 1944) est un voyage initiatique vers l'Au-delà ."Un roman d'aventures alpines, non euclidiennes et symboliquement authentiques."

Invitation au voyage, ce roman a-t-il permis à son auteur d'être "encadré dans son analogie" baudelairienne , de "vivre, aimer et mourir au pays qui (lui) ressemble" ? Peu importe.
Cet itinéraire de l'absolu, qui n'est pas sans rappeler celui de Perceval dans la recherche du Graal ou le Mahabharata indien, est une invitation à chercher notre voie.


"Tiens l'œil fixé sur la voie du sommet, mais n'oublie pas de regarder à tes pieds. Le dernier pas dépend du premier. Ne te crois pas arrivé parce que tu vois la cime. Veille à tes pieds, assure ton pas prochain, mais que cela ne te distraie pas du but le plus haut. Le premier pas dépend du dernier ."




"Lorsque tu vas à l'aventure, laisse quelque trace de ton passage, qui te guidera au retour : une pierre posée sur une autre, des herbes couchées d'un coup de bâton. Mais si tu arrives à un endroit infranchissable ou dangereux, pense que la trace que tu as laissée pourrait égarer ceux qui viendraient à la suivre. Retourne donc sur tes pas et efface la trace de ton passage. Et même sans le vouloir, on laisse toujours des traces. Réponds de tes traces devant tes semblables. "

René Daumal nous raconte cette légende de haute montagne :

         "Les Hommes -creux habitent dans la pierre, ils y circulent comme des cavernes voyageuses. Dans la glace, ils se promènent comme des bulles en forme d'hommes. Mais dans l'air ils ne s'aventurent , car le vent les emporterait.

Ils ont des maisons dans la pierre, dont les murs sont faits de trous, et des tentes dans la glace, dont la toile est faite de bulles. Le jour ils restent dans la pierre, et la nuit errent dans la glace , où ils dansent à la pleine lune. Mais ils ne voient jamais le soleil, autrement ils éclateraient.

Ils ne mangent que du vide, ils mangent la forme des cadavres, ils s'enivrent de mots vides , de toute les paroles vides que nous autres nous prononçons.

Certaines gens disent qu'ils furent toujours et seront toujours. D'autres disent qu'ils sont des morts. Et d'autres disent que chaque homme vivant a dans la montagne son homme-creux, comme l'épée a son fourreau, comme le pied a son empreinte, et qu'à la mort ils se rejoignent."


Si vous voulez lui emboîter le pas et suivre ses traces, vous trouverez peut-être votre vérité, vous oserez peut-être poser les questions que Perceval n'a pas osé ou pu poser au Roi Pêcheur, que l'homme de la campagne n'a pas posées au gardien des Portes de la Loi dans "Le Procès" de Kafka .

Mais avant d'ouvrir les portes du symbolique et du spirituel, vous serez de toute façon, captivé par ce récit mystérieux, poétique, voire surréaliste et amusant par endroits.

(Voir, dans les archives de ce blog, un message du 29 novembre 2011, consacré à René Daumal.)