Pages Poésie. Littérature . Gravure . Peinture. Photographie. Divers. Bio

dimanche 27 novembre 2011

Stratégie de l'araignée : mémoire ou souvenir ? Une trace.

Le Fil Et Les Traces - Vrai Faux Fictif vous attend sur Priceminister
Message reçu sur ma boîte aux lettres internet.



 Rêve ou cauchemar ? Peut-on effacer ses traces sur la toile d'araignée ? Sur le web, même une recherche sur le livre de Carlo Ginzburg ," Le fil et les traces "laisse des traces. On dit que l'homme a des souvenirs mais pas de mémoire. On dit que l'ordinateur a une mémoire mais pas de souvenirs.



Récit hassidique : il reste une trace

Tant que dans le monde, quelque part, il y aura un homme qui se souviendra qu'il y a eu un temps où raconter une histoire pouvait suffire à résoudre un problème, le monde pourra être sauvé.

Voici un récit hassidique :


        Lorsque le Rabbi Israël Baal Chem Tov voyait qu'un malheur se tramait contre le peuple juif, il avait pour habitude d'aller se recueillir à un certain endroit dans la forêt ; là, il allumait un feu, récitait une certaine prière et le miracle s'accomplissait, révoquant le malheur.
       Plus tard, lorsque son disciple, le Maguid de Mézeritch, devait intervenir auprès du ciel pour les mêmes raisons, il se rendait au même endroit dans la forêt et disait : « ~Maître de l'univers, prête l'oreille. je ne sais pas comment allumer le feu, mais je suis encore capable de réciter la prière. » Et le miracle s'accomplissait.


     

       Plus tard, le Rabbi Moché-Leib de Sassov allait lui aussi dans la forêt pour sauver son peuple et disait : « je ne sais pas comment allumer le feu, je ne connais pas la prière, mais je peux situer l'endroit et cela devrait suffire. » Et cela suffisait encore et le miracle s'accomplissait.
       Puis ce fut le tour de Rabbi Israël de Rizhin d'écarter la menace. Assis dans son fauteuil, il prenait sa tête entre les mains et parlait à Dieu: «Je suis incapable d'allumer le feu, je ne connais pas la prière, je ne peux même pas retrouver l'endroit dans la forêt. Tout ce que je sais faire, c'est raconter cette histoire. » Cela suffira-t-il ? Cela suffisait.
     Tout ce que nous savons aujourd'hui, c'est que nous ne savons même plus raconter l'histoire, et la seule chose que nous savons faire est le récit de cette impossibilité... Cela suffirait il encore ?

Faut-il écrire ou raconter une histoire ou suffit-il d'allumer un feu ? 



***
        
         Tracer sa route
         puis l'effacer
         Y aura-t-il quelqu'un pour la retrouver ?
         Quelqu'un dira :"Il a tracé sa route.", mais personne ne sait d'où elle partait
                                     ni où elle arrivait. On saura seulement qu'il y eut une route.




Inventer, écrire, graver...c'est comme taper du pied dans une flaque gelée




et laisser la fissure s'opérer dans la glace. Elle avance selon des lois physiques qui nous semblent aléatoires, comme "un coup de dés qui n'abolira jamais le hasard". Il faut laisser venir la trace. Elle n'est plus tournée vers le passé mais vers l'avenir ; elle est une tension." La trace est itinérante (itin-errante); elle se fraye un chemin qu'elle ne reconstitue qu'après coup, elle produit sa route avec retard." (Derrida)


"Personne n'a le pouvoir d'effacer toutes ses traces".On écrit, on grave, on peint, on fait comme la seiche de Michaux, "on se dérobe à rebours, on jette beaucoup d'encre pour se dissimuler."On biffe, on se rebiffe, on écrit de travers, comme la seiche qui se déplace et se camoufle , on jette son encre. On écrit, on jette sur la page tout ce qu'on a ramassé dans la nuit, une étoile vive, encore étonnée d'avoir quitté les eaux noires du ciel et les ombres errantes en grappes qui se détachent du pampre des souvenirs. Il suffit de chasser les ombres pour trouver la lumière.


   


"L'homme sans trace. Un homme qui n'a pas de trace, n'est sur aucune trace- et ainsi justement le voici peu à peu sur une trace." (La perte de l'image).
Peter Handke (Hier en chemin).

"Celui qui sait marcher (dans le Tao) ne laisse pas de traces." 
Lao Tseu (Tao Te King)


Pensées de Pessoa . Miscellanées 5


 1 "Penser dérange comme de marcher sous la pluie lorsque s'enfle le vent et qu'il semble pleuvoir plus fort."
          

          2 "Je ne pense à rien,
              et cette chose centrale, qui n'est rien,
              m'est agréable comme l'air de la nuit,
              frais en contraste avec le jour caniculaire.

              Je ne pense à rien, et que c'est bon !

             Ne penser à rien,
             c'est avoir une âme à soi et intégrale.
             Ne penser à rien 
             c'est vivre intimement 
             le flux et le reflux de la vie...
             Je ne pense à rien.
            C'est comme si je m'étais appuyé 
            dans une fausse posture.
            Un mal aux reins, ou d'un côté des reins,
            mon âme a la bouche amère :
            c'est que, tout bien compté,
            je ne pense à rien,
            mais vraiment à rien,
            à rien..."

         3 "Il y a passablement de métaphysique dans la non-pensée.

           Ce que je pense du monde?
           Le sais-je , moi, ce que je pense du monde?
           Si je tombais malade, j'y penserais.

          Quelle idée je me fais des choses?
          Quelle opinion sur les causes et les effets ?
          Qu'ai-je médité sur Dieu et sur l'âme
          et sur la création du monde ?
          Je ne sais . Pour moi penser à ces choses c'est fermer les yeux
          et ne pas penser. C'est tirer les rideaux
          de ma fenêtre(mais de rideaux elle n'a pas l'ombre)."

       4"Je suis un gardeur de troupeaux.
         Le troupeau ce sont mes pensées
         et mes pensées sont toutes des sensations.
         Je pense avec les yeux et avec les oreilles
         et avec les mains et avec les pieds
         et avec le nez et avec la bouche.

        Penser une fleur c'est la voir et la respirer
        et manger un fruit c'est en savoir le sens."


(Quatre extraits de "Le Gardeur de troupeaux " de Fernando  Pessoa  / Poésie Gallimard )