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vendredi 24 octobre 2014

AU BORD DE NULLE PART . Danièle Duteil

Voici un beau recueil de Haiku que vient de publier Danièle Duteil . Elle m'a demandé d'en écrire la préface.


Préface

 Dans ces haïkus, cherchez l'auteur.

Voilà le jeu que je vous propose pendant et après votre lecture de ce recueil de Danièle Duteil. Le jeu du peu de JE, en quelque sorte . Les occurrences de la première personne sont en effet très rares, comme chez les grands haïjins japonais . On la croit absente, puisqu'elle se dit « au bord de nulle part » ; en réalité elle est partout ...elle est au monde, elle lui appartient. Le monde ne lui appartient pas mais elle vous le propose, le tend vers vous comme une offrande, dans l'espace minime des 3 vers. La vraie poésie ne consiste pas à se regarder dans un miroir mais à le diriger vers le ciel, la terre, la mer pour y accueillir un temps tout ce qui y passe, définitivement provisoire, provisoirement définitif. Le miroir taoïste ne garde rien, si ce n'est quelques reflets au-delà du tain. Des reflets du monde plutôt qu'une réflexion sur le monde .Ici aucun narcissisme, aucune pose pour s'admirer ou se plaindre. Bien sûr l'émotion est présente devant la beauté de la nature ou la fuite du temps, mais c'est à vous lecteur, de la deviner … à la vue d'une « vieille qui tire un chien impotent » , un « sans-abri sous ses cartons ». Il s'agit de suggérer plutôt que d'imposer des idées ou des concepts. Le haïku n'a nul besoin d'une béquille philosophique. Bashô conseillait d'échapper aux lieux communs quand il notait :  « Qu'il est digne d'admiration celui qui, devant l'éclair, ne pense pas :  « que la vie est brève ! » Pas d'affect non plus. Quand elle se promène sur les bords de la ria d'Etel, elle ne se laisse pas aller au Romantisme de pacotille devant une Bretagne « néo-chateaubrianesque »(sic ) Excusez ce néologisme un peu fabriqué mais qui convient assez à ce que je veux dénoncer : il ya du style néo-breton dans une soi-disant architecture mais aussi dans certains écrits pseudo-régionalistes.
Pas de concept, pas d'affect mais seulement ce que Gilles Deleuze nomme des« percepts ». Voilà ce qui pourrait constituer une bonne définition du haïku. Ce que Danièle Duteil accueille provisoirement dans son miroir, ce sont uniquement des perceptions. Elle nous convie à une promenade des 5 sens, de « la première aube » au « dernier matin ». Elle est de passage dans « l'entre-deux »,  « au bord de nulle part » entre jour et nuit, entre deux saisons, entre deux vagues comme les bernaches, dans cet ukyo Yé, ce monde qui flotte des estampes japonaises.Elle n'est déjà plus ici, elle est encore là-bas. Elle propose à son lecteur de marcher sur ses brisées, de retenir les traces, de retrouver « les pleins et les déliés du passé, de « glisser dans ses souvenirs » comme les premiers flocons sur les souvenirs d'autres souvenirs ». A la manière de Sei Shonagon et de ses listes , Danièle Duteil note dans ses carnets ses choses vues. Et quand la promeneuse rentre chez elle, elle dépose sur la table des brassées de fleurs sauvages. Comme un enfant qui vide ses poches, elle déroule sur le papier-makimono son « inventaire » du monde (ne parle-t-on pas d 'inventeur pour désigner celui qui a découvert un trésor?) : des mots en forme de « coquillages à roudoudous » ou de bois flottés, des morceaux d'algues , lignes écrites sur l'estran par les laisses de mer . Parfois hélas, ce sont des seringues échappées de quelque container ou des déchets recrachés par la mer qui régurgite ce dont elle ne veut pas se nourrir. D'autres fois encore, comme un chasseur rentrant bredouille, elle note sur son calepin « Rien aujourd'hui ».(Comme Louis XVI qui dans son journal note «Aujourd'hui  RIEN » à la date du 14 juillet 1789 !). Le Rien , c'est déjà beaucoup , c'est le vent et la mer, agitateurs de pensées, de flocons et de parfums .

A la dernière page du « dernier matin », à force de chercher l'auteur, vous vous serez découvert lecteur, et comme « la mer du dernier matin, vous vous retirerez en silence ». Le jeu en valait bien la chandelle. Lire un recueil de haïkus de Danièle Duteil, c'est comme recevoir des embruns.


Jacques Poullaouec


SENTIERS DE CURIOSITÉ 2014

Retour à mon blog que j'ai trop longtemps délaissé pour aller sur Facebook.

L'exposition de land art "Sentiers de Curiosité " de Séné (Morbihan) s'est tenue du 20 septembre au 20 octobre 2014. En qualité de Commissaire d'exposition , j'ai écrit pour le catalogue 2 textes que vous trouverez ici après quelques photographies.( Vous rectifierez vous-mêmes les dates. )





Sur les Sentiers de Curiosité, j'ai vu...

j'ai vu … des adultes redevenir des enfants
 j'ai vu des enfants sérieux comme des adultes« pour du rire »
j'ai vu un moustique tout enflé qui voulait boire toute la mer
j'ai vu des bestioles en bois qui prenaient un bain de pieds sur l'estran
j'ai vu un chêne grimper dans une barque , glaner ses petits qui rêvaient et mettre le cap vers les îles
j'ai vu des couleurs volées à la nuit par un pinceau de lumière
j'ai vu une dame aux cheveux de feu qui donnait du fil à retordre à un pêcheur.
j'ai vu des anneaux de seigneur apprivoiser mes rêves pour les endormir dans leurs nids
j'ai vu des troncs se tricoter des manches de couleurs pour l'hiver et nous attendre pour la veillée dans l'espace sacré.
J'ai vu un menhir en bois ouvrir sa porte pour abriter des succulentes
J'ai vu des arbres tendre leurs bras blancs vers les nuages pour les inviter à venir gratter la terre brune
j'ai vu Jonas qui dormait dans sa baleine parfumée au fenouil
j'ai vu dans les creux du sentier de curieuses maisons de korrigans qui attendaient la nuit pour faire la fête avec les lucioles.
j'ai voulu attendre la Reverdie dans le cœur de l'arbre sec et dans ses branches mortes qui servaient de reposoir aux oiseaux
j'ai attendu , j'ai attendu mais je n'ai rien vu dans les sentiers de curiosité
je n'ai pas vu tout ce que vous verrez dans les sentiers de curiosité et que vous pourrez raconter aux autres curieux du sentier

Jacques Poullaouec








SYMBIOSE

Il arrive que l’œuvre d’Art quitte le musée et les galeries.
Il arrive que l’œuvre d’ Art abandonne le tableau, la toile, le papier
Il arrive que l’œuvre d’Art change de cadre et s’installe dans la nature, qui devient alors à la fois son cadre, son décor, mais surtout son sujet et sa matière. Ce changement de cadre est aussi un changement de mesure et de perspective. Il s’agit pour l’artiste d’arpenter le monde, de se mesurer à lui, non pas de l’affronter mais de se mettre à la mesure de la nature. Son ATELIER devient la RÉALITÉ, ces deux mots sont bien des anagrammes.
En naissant nous avons été mis au monde; c’est à nous d’aller vers lui. L’artiste, mais aussi le spectateur et d’une manière générale, le simple promeneur vont à la rencontre d’un ART IN SITU qui est un art de voir, de sentir, de toucher, de goûter, d’écouter la nature. Le monde est ouvert, on y vient sans son JE, on prépare le vide en soi pour s’emplir du réel. Il faut être poreux, être pour la libre circulation du souffle, des vents, être avec les lumières, les couleurs et les sons. Cette manière d’être au monde, de devenir paysage, est une nouvelle naissance, une co-naissance dans un atelier à ciel ouvert. Le LAND ART est l’enfance de l’Art et l’Art des enfants qui savent jouer dans et avec la nature. Un caillou, une feuille, l’eau, le ciel, un peu de vent et c’est le théâtre du monde qui s’anime. L’herbe réussit bien à sortir des murs; le moindre terrain vague devient une aire de jeux; les vents ne trompent pas; combien de pulsations dans les herbes échevelées?
L’Art prend la clé des champs pour ouvrir le champ des possibles et ré-enchanter le monde. On peut occuper les sols, sans avoir un plan d’occupation. C’est à l’homme de se laisser occuper par le lieu où il se trouve, de s’en imprégner, de se mettre in situ, c’est à dire en situation, en relation directe avec le site. L’Art traditionnel consiste à faire passer l’œil du spectateur d’un espace à un autre, le Land Art, lui, brouille les repères et fait du spectateur un acteur dans son espace. Dans ce musée à ciel ouvert, on peut se déplacer, modifier son angle de vision, jouer avec la lumière et accepter qu’une saute de vent perturbe cet espace. Il faut accepter l’éphémère, l’effacement du temps qui va peu à peu modifier l’œuvre présentée. Tout est définitivement provisoire et provisoirement définitif.
Échange, porosité, être avec, à la fois dans l’infime et l’infini. Il s’agit ici d’être en symbiose avec la nature. Trop longtemps l’ art traditionnel s’est isolé de la vie, car il a essayé de la capturer . Peu à peu l’art muséal s’est détaché du monde et n’a pas toujours réussi à attirer le public, mais aujourd’hui. certains artistes, veulent revenir à la source de tout art et adapter leur respiration et leurs gestes au rythme de la vie et des éléments.
Jacques Poullaouec.
 puce

ARTISTES 2014 

  • Mireille Belle :  » Lobophyllia curiosa « 
  • Philippe Bréchet :  » Peindre avec la lumière « 
  • Marielle Genest :  » Coques « 
  • Gaël Gicquiaud et william Moreau :  » Receptacle «  
  • Sandrine Lanoë :  » Mariage du ciel et de la terre « 
  • Michel Leclercq  :  » Bestioles « 
  • Fréderic Ollereau :  » Sédimentations « 
  • Irène  Le Goaster :  » L’ Âme des arbres « 
  • Régis Poisson :    » Côtes et côte « 
  • Sophie Prestigiacomo :  » Tentation marine « 
puce

lundi 7 avril 2014

POURQUOI ECRIVEZ-VOUS ?

Si je le savais, je n'écrirais pas.










"A la vieille question stérile : "pourquoi écrivez-vous ?" le Kafka de Marthe Robert substitue une question neuve : "Comment écrire ?"
et ce Comment épuise le Pourquoi : tout à coup l'impasse s'ouvre, une vérité apparaît. Cette vérité , cette réponse de Kafka ( à tous ceux qui veulent écrire), c'est celle-ci :

         "L'être de la littérature n'est rien d'autre que sa technique."

Roland Barthes / Essais critiques 1960.


Breyten Breytenbach :

"J'écris : et l'écriture est un sens , une décodification possible de l'environnement , une symbiose avec ce qui est autre, un arrangement à l'amiable avec la matière.
C'est une cavale : la voie vers le labyrinthe, le labyrinthe-même, la description du labyrinthe et par-là le fil qui nullifie le labyrinthe. On écrit pour se mettre en mesure d'inventer un JE capable d'être la transaction de survie et de multiplication des paroles ; pour façonner une vérité; pour ériger des châteaux de sable contre le déferlant silence de la mer; pour trouver le coquillage de l'amnésie.
Enceint d'encre comme la mer, j'écris parce que l'écriture est un jeu futile et primitif."


Yusuf Idris, écrivain égyptien :

"J'écris parce que je vis et je continue de à écrire parce que je veux vivre mieux."

Charles Bukowski :

"Si je savais pourquoi j'écris, je n'en serais sûrement plus capable."


Julien Gracq :




" On écrit parce qu'on a déjà écrit - bien avant même son premier livre et dès l'enfance- des "rédactions", puis des "dissertations" (ni le peintre ni le musicien ne connaissent ce rail posé pour nous, et emprunté de bonne heure).

Milan Kundera :

"Ne serait-ce qu'une ridicule illusion, on est persuadé d'écrire parce qu'on a à dire ce que personne n'a dit...Ecrire , c'est donc le plaisir de contredire, le bonheur d'être seul contre tous, la joie de provoquer ses ennemis et d'irriter ses amis."

Patrick Modiano :

"C'est comme si, juste avant de sauter en parachute, vous vous demandiez : "mais pourquoi donc je saute en parachute ?" ça ne facilte pas les choses. Je crois qu'on écrit parce qu'on ne sait rien faire d'autre."

Samuel Beckett :


                       "Bon qu'à ça ."

Endo Shusaku :

"Les artistes japonais pensent traditionnellement au fond d'eux-mêmes que la création artistique est de toucher  la vie de l'Univers et de l'introduire dans leur œuvre."

Abe Kobo :

"Au niveau logique, la question est un nœud de Mœbius qui contient en elle-même la réponse. Pour l'écrivain, la création n'est pas seulement le résultat d'un choix, elle est une forme de la vie. L'interrogation "pourquoi" est une partie constitutive de la vie et, de même qu'on ne peut concevoir une solution à la raison de vivre, il ne se trouve pas plus de raison à l'acte d'écrire.

jeudi 3 avril 2014

LIRE UN TABLEAU

« Les livres sont ennuyeux à lire. Pas de libre circulation. On est invité à suivre. Le chemin est tracé, unique. Tout différent le tableau : immédiat, total. À gauche aussi, à droite, en profondeur, à volonté.
Pas de trajet, mille trajets, et les pauses ne sont pas indiquées. Dès qu'on le désire, le tableau à nouveau, entier. Dans un instant tout est là.
Tout, mais rien n'est connu encore. C'est ici qu'il faut vraiment commencer à lire. »

Lecture par Henri Michaux de 8 lithographies de Zao Wou Ki / 1950


mardi 1 avril 2014

"La promenade sous les arbres." Leçon d'écriture par Philippe Jaccottet.


         "Je ne veux pas dire que le poème soit donné ; ou même simplement facile; je ne veux pas dire non plus qu'il puisse naître n'importe quand; mais simplement que le travail poétique semble lui aussi exiger ce singulier équilibre entre la volonté et l'instinct, l'effort et l'abandon, la peine et le plaisir [...]C'est tout à la fois un exercice et une récompense. Un exercice, car il exige, à chaque fois, que l'on se retrouve en cet état de transparence; et le travail que l'on opère sur les mots, tour à tour les laissant faire, puis les reprenant , les modifiant, de sorte qu'à la fin, leur légèreté et leur limpidité soient aussi totales que possible, ce travail n'est pas seulement cérébral : il agit sur l'âme en quelque sorte, il l'aide à s'alléger et à se purifier davantage encore, de sorte que la vie et la poésie, tour à tour, s'efforcent en nous vers une amélioration de nous-mêmes, et une clarté toujours plus grande.
           
         Il faut évidemment se dépouiller de sa mauvaiseté, on n'en sort pas autrement. Il faut cesser de vouloir étonner à tout prix, ou accomplir de basses vengeances, ou plaire, ou vouloir servir des causes. Alors il semble bien que tout s'éclaire de nouveau, et on ne sait pas au juste comment. Quelque chose de merveilleux et de proche nous presse enfin de toutes parts, une promesse, presque une assurance, certes bien inattendues, nos misères ont maintenant des ailes, elles volent, nos paroles volent dans la lumière transparente, comme les hirondelles rapides aux soirs d'été, et au-dessous la vie de l'homme continue avec les changements du jour.[...] Il faut vivre la vie de tous les hommes, avec les yeux bien ouverts, regarder intensément le monde, adorer le monde dans sa figure mortelle, mais sans oublier que ce regard, cette adoration, cette patience dans un travail à la fois plaisant et difficile, tendent à l'exaltation toujours plus triomphante de la lumière; et que cette lumière est peut-être, à sa fine pointe, l'instrument du passage dans ce qui ne peut plus être ni lumière ni obscurité.
               
 [...]Il vaut mieux ne pas trop s'appesantir; les vérités poétiques (sont) faites pour le regard prompt et bientôt détourné d'un oiseau sans poids.
                

           La poésie est donc ce chant que l'on ne saisit pas, cet espace où l'on ne peut demeurer, cette clef qu'il faut toujours reperdre. Cessant d'être insaisissable, cessant d'être douteuse, cessant d'être ailleurs ( faut-il dire: cessant de n'être pas ?) , elle s'abîme, elle n'est plus.

                  Je ne respire qu'oublieux de moi.
                  C'est le triste souci de ma peau qui m'empêche d'être un vrai poète. 

Philippe Jaccottet
"La promenade sous les arbres" p.130 et suiv.


"L'attachement à soi augmente l'opacité de la vie.
Un moment de vrai oubli, et tous les écrans, les uns derrière les autres deviennent transparents, de sorte qu'on voit la clarté jusqu'au fond, aussi loin que la vue porte ; et du même coup plus rien ne pèse . Ainsi l'âme est vraiment changée en oiseau."

Semaison . / Mai 1954 / p. 335

lundi 31 mars 2014

LA PEINTURE EST POESIE . Le Cahier de Georges Braque.


Quelques lumineuses pensées de Georges Braque:

1/"Il n'est en art qu'une chose qui vaille : celle qu'on ne peut expliquer."

2/ "J'ai le souci de me mettre à l'unisson de la nature, bien plus que de la copier."

3/" Écrire n'est pas décrire. Peindre n'est pas dépeindre. La vraisemblance n'est que trompe-l'œil."

4/" Les moyens limités engendrent les formes nouvelles, invitent à la création, font le style."

    (écrire court permet d'en dire long!  ça me fait penser au Haïku)

5/" Le vase donne une forme au vide et la musique au silence."

6/" Il faut toujours avoir deux idées : l'une pour détruire l'autre."

7/" Ce n'est pas assez de faire voir ce qu'on peint. Il faut encore le faire toucher."

8/" Oublions les choses. Ne considérons que les rapports."


vendredi 14 mars 2014

Les 89 printemps du poète ... Jaccottet et le haïku.

À l'occasion du Printemps des Poètes 2014, il faut célébrer les 89 printemps du poète Philippe Jaccottet. Il vient, insigne honneur, de rentrer, de son vivant, dans le panthéon des Éditions de La Pléïade.


En 1960, Philippe Jaccottet découvre les grands maîtres du Haïku dans une traduction anglaise de R.H.Blyth.
Dans sa préface à un livre publié chez Fata Morgana et intitulé HAÏKU (1996), voici ce qu'il écrit:



              

           "La musique du haïku est le contraire d'une musique guerrière...pas de trompettes, à peine un bruit d'éventail, plié, déplié, quelques syllabes extraordinairement libres et légères...réunir "deux choses de notre monde mortel, menacé, données à nos sens mortels, défaillants : le bruit d'une rame et la brume; des arbres et des jeux de dés; l'ombre et le chant d'un oiseau; de la rosée et des armes...tout semble ici extraordinairement tranquille et merveilleusement naturel. Ni rêves, ni regrets. Le contraire même de "N'importe où hors de ce monde". On est dans ce monde-ci: mais ce monde-ci est une maison ouverte, dont un souffle à peine perceptible fait légèrement battre les portes, flotter les rideaux de bambous....On ne prétend à rien, on n'explique rien non plus. La conscience de n'être jamais qu'un voyageur vous lave les yeux.
              La "parole du haïku reste toujours simple et naturelle ou du moins le paraît. Ce qui a fait croire à certains que c'était facile. Mais ce n'est pas du tout facile (comme ont l'air de le  croire ceux qui fabriquent aujourd'hui du haïku en série.) Il faut viser d'autant plus juste que sont peu nombreux les éléments du poème, en peser le poids sur des balances d'autant plus plus sensibles qu'ils sont légers. Alors seulement, la cible atteinte n'est plus une cible, mais une ouverture où la flèche se sera engouffrée ; alors seulement , le coup d'éventail imperceptible aura produit une onde capable de se propager à l'infini." 

Voici quelques uns des haïku choisis par Jaccottet :


Le vendeur d'éventails
portant son faix de vent :
comme il fait chaud !

Kakô


Quand la neige a fondu
le village 
est plein d'enfants .

Issa


Allumant une bougie
à une autre bougie :
une soirée de printemps.

Buson


La première luciole !
en allée, envolée,
le vent m'est resté dans la main.

Issa



jeudi 13 février 2014

Je m'emmêle dans ce qui me regarde


Monotype/ Jacques Poullaouec


Nuit blanche
dans un lit blanc
je regarde la lune
j'épuise ma douleur
je puise à la vie 
sans fond.



J'ai déposé mes rêves à la consigne de la nuit le jour va se lever il va falloir reprendre chair la nuit prochaine je reviendrai rôder du côté des étoiles celles qui sont sous mes paupières je m'allongerai le long des ombres longues que le soleil a oubliées dans les herbes grises les flammes-fleurs ont chauffé à blanc quelques poussières de rêves les oiseaux mercenaires du vent dérivent à la crête des nuages les volets sont tirés la peau du ciel est tendue les visages évanouis vont reparaître les murs ont des trous les mains du vent s'y glisseront jusqu'à mon visage

La nuit
il n'y a pas que le sable
qui se dépose
il y a aussi la mer
qui se retire
et les rêves étoilés
brillent
libérés de nous-mêmes

garder quelques mots
à l'ombre
l'arbre abrite bien ses fruits




De la nuit à la nuit
passer entre les gouttes
je me faufile entre des inconnues.


Jacques Poullaouec

vendredi 7 février 2014

L'ébloui oublié

"À force de
                 balayer la terre
le soleil a usé
son ombre

poussières de lumière

                                                 les feux sont follets
dans la nuit
les rêves se déplacent

                                                 une lumière se frotte à une autre lumière
                                                 il en surgit des ombres. "

                                                                                                      









" Les mots se détachent de nos paroles
elles éclatent
bulles de savon
soleils emprisonnés
dans leurs sphères

les mots se débarrassent de nous
errant selon leur ligne
vers le labyrinthe
                               d'une oreille

certains mots perdus
oubliés
éblouis
             tombent
                            sur le papier
lettres agglutinées
cherchent compagnie





Photos et poèmes de Jacques Poullaouec.

dimanche 12 janvier 2014

Haïku -cou

1/Quelques "définitions"du haïku:

Roland Barthes: "L'art d'écrémer la réalité de sa vibration idéologique."

Basil Hall Chamberlain : " Lucarne ouverte un instant sur un petit fait, naturel,sourire à demi-formé, soupir interrompu avant d'être entendu."





Ryokan : "Quand vous aurez compris que ce que j'écris n'est pas de la poésie, alors on pourra commencer à parler de poésie."

Basho :" Un haïku, c'est simplement ce qui se passe en cet endroit-ci, à ce moment-ci."

2/Petite anthologie de mes haïku préférés:

Jack Kerouac:                                            Chat mangeant des têtes de poissons
                                                                          - tous ces yeux
                                                                          dans la lumière des étoiles.

Riôta :                                                             Je  rentrais
                                                                           furieux, offensé :
                                                                           le saule dans le jardin.

Comment comprendre ce haïku ?
Les deux premiers vers traduisent un état d'esprit, un vacarme intérieur, qui empêche de voir le réel. Le troisième vers indique ceci: le saule est là devant moi; mon vacarme intérieur s'apaise; je reviens au réel,je me remets au monde.

Onitsura :                                                                Mon âme plonge dans l'eau
                                                                                     et ressort
                                                                                     avec le cormoran.

La préposition "avec" remplace le "comme". L'âme n'est pas le cormoran, mais l'âme comme le cormoran ont plongé dans l'eau.

3/ Quelques uns de mes haïku 

L'arbre allonge son ombre
sur le drap froissé
un bras replié sur tes rêves.

La nuit
ouvre les yeux
écoute le noir

"Ouvre "et "écoute" peuvent être à l'impératif ou à l'indicatif. Dans le premier cas, c'est une invitation à ouvrir les yeux et à écouter le bruit d'une couleur. Dans le deuxième cas, la nuit est sujet des verbes "ouvre" et "écoute".

J'ai déposé mon silence
dans la nuit
son (ton?) visage collé au mien

L'eau tremble
dans mon verre
le vent est venu boire

Ce reflet dans mon verre
je boirai le nuage
et le vent avec

NB; Au pluriel, j'écris toujours "haïku" sans s. 
         petite coquetterie , car la marque du pluriel est tolérée même pour les mots d'origine étrangère.           

HAÏKU Coucou

Quelques notules et "texticules" (sic/le mot est de Michel Leiris !)sur le haïku.

Commençons par un texte provocateur, écrit par Hervé Le Tellier (Zindien 200), dans l'anthologie de l'OULIPO/ Poésie Gallimard.

1/ Haïku-ku la praline

Mon petit garçon
tu es mon petit garçon
mon petit garçon

Trois vers./ 5 Syllabes 7 Syllabes 5 syllabes
La métrique est respectée
Ce serait un haïku ?

Amusant et souvent vérifié. Le haïku , c'est comme l'aquarelle : rien de plus simple et rien de plus compliqué !

2/ L'esprit du haïku retrouvé , au hasard de mes lectures, chez Simone Weil ("La pesanteur et la grâce") :

"Étoiles et arbres fruitiers en fleur. La permanence complète et l'extrême fragilité donnent également le sentiment de l'éternité...la vulnérabilité des choses précieuses est belle parce que la vulnérabilité est une marque d'existence.
... chute de pétales d'arbres fruitiers en fleur
Savoir que le plus précieux n'est pas enraciné dans l'existence. Cela est beau.
Pourquoi ?Projette l'âme hors du temps."

3/ Ce court texte de Maurice Blanchot pourrait être une bonne définition du haïku :

"Et ce qui nous parle dans ces poèmes le plus souvent très courts où termes, phrases, semblent, par le rythme de leur brièveté indéfinie, environnés de blanc, ces arrêts, ces silences ne sont pas des pauses ou des intervalles permettant la respiration de la lecture, mais appartiennent à la même rigueur, celle qui n'autorise que peu de relâchement, une rigueur non verbale qui ne serait pas destinée à porter sens, comme si le vide était moins un manque qu'une saturation, un vide saturé de vide."




Haïga calligraphié par le Haïjin Ban'ya Natsuishi . Il s'agit d'un de mes haïku écrit en japonais et en français.

mercredi 8 janvier 2014

▶ Georges PERROS , suite et SANS FIN ...définitivement...p.

▶ georges perros (4/4) - Vidéo Dailymotion

Voici un extrait d'un des "poèmes bleus" de Perros. Il y a des livres qui sont comme de grands vents; ils redonnent le goût de respirer.

"Il faut que je te retire de moi, la Bretagne,
que je t'arrache comme une grosse dent, que je me fasse mal, essayant
de m'oublier pour que tu vives
sans moi, sans moi, qui ne peux plus te suivre
dès lors que je t'aime au présent,
que je t'ouvre comme un éventail
comme un ventre de bœuf
comme une huître
.................................
Tes vieilles à coiffe
qui font du vélo sous la pluie
Mais pleut-il vraiment en Bretagne ?
La légende le dit, mais quoi
le crachin, c'est une rosée
qui vient de là-haut, qui s'enroule
autour de nos fronts fatigués
cela nous fait du bien à l'âme
c'est à peine si la route s'en trouve humectée
le crachin ne va pas jusqu'à terre
il est volatil, émulsion, neige d'été
son bruit est doux, c'est de la ouate
Dieu se fait Breton à ce bruit
mobile et frais.

......................................................


"Armen , la deuxième lumière
Avant la grande plaine folle
qu'on mit huit années à construire.
Tevennec. Son premier gardien
devint fou. Il entendait dire
Va-t'en va-t'en
pas en français mais en breton
Kerscuit kerscuit
toutes les nuits
et ceux qui vinrent après lui
le même bruit les effraya
Phare de la malédiction
entre nous ce n'étaient que mouettes
par centaines dans le rocher
il est fixe maintenant
et plus personne n'y habite.

Plus loin vers le nord, Ouessant,
et ses pupilles dans le noir
Le Stiff, Créac'h et la Jument
Nividic, Men Tensel, et d'autres
Ouessant dont les hommes et femmes
passent pour avoir été les meilleurs du monde..."


KENAVO.

mardi 7 janvier 2014

Georges perros 4/4 et la Bretagne

"Ce que vous apercevez par-delà la baie des Trépassés ...est l'île de Sein...

...Mercredi 6 novembre 1968...

Malgré certains nuages que je connais bien, sales, effilochés, se battant dans le mauvais sens, salivant du sombre, malades du foie, j'enfourche la moto, après avoir conduit, comme on dit, mes gosses à l'école, et passé, comme chaque matin, devant le car en partance pour la pointe du Raz. J'arrive trempé à Pont-Croix; une petite pluie fine, glacée, pas tout à fait ce qu'on appelle le crachin, épinglant les yeux, je dois regarder la route, cent et une fois faite, de profil. Vais boire un café rhum, souvenir de Saint-Malo, les pieds glougloutant dans mes chaussettes, et je me demande une fois deplus si je ne vais pas attraper la crève.On verra. Un chien mouillé lui aussi vient me caresser les mollets (il sent mon chien); la patronne m'avoue qu'il ne fait pas beau, cette pluie tout de même, il n'y a plus de saisons...là-dessus je décide d'aller faire un tour dans Pont-Croix, par les rues et les ruelles qui descendent vers le Goyen, rivière réputée pour ses truites et huîtres. Il est difficile de se perdre dans Pont-Croix, mais agréable de s'y trouver.(...)
On me demande souvent pourquoi je vis en Bretagne. La réponse est simple, un peu trop même pour que je la risque. La Bretagne est un rêve que j'ai fait. (Il n'est pas si aisé d'habiter son rêve, il y a des mailles qui filent.) Peut-être dans une vie antérieure,peut-être dans le cours bizarre de celle-ci, peut-être dans une vie...future ? Mais il est sûr que c'est la Bretagne qui a donné un décor précis aux figures mouvantes et inquiètes de ce rêve, me l'a confirmé en le déployant , en me le dépliant, le montrant, bref, en le naturalisant.Je m'y sens chez moi, par delà les limites de mon existence. Je sais qu'elle détient les clés de ma fragile présence sur la terre, présence totalement vouée, mais c'est un secret, aux signaux magiques échelonnés sur les rails de l'absolu...Je suis comme forcé de vivre en Bretagne, tant mon rêve, dès que je m'éloigne de son lieu d'élection, se refait désagréable, comme un gosse qui veut rentrer à la maison, recommence à me hanter, à me poursuivre, à m'interdire de rester très longtemps ailleurs que là où il trouve corps à son désir, où il se confond follement aux éléments naturels, à la terre, à la mer, aux ciels bretons, à ce ciel à la Turner par un matin de printemps, à ce ciel à la Hugo par un soir de décembre, après que le soleil s'est encore une fois guillotiné au large d' Armen. C'est vrai que passé un triangle Vannes-Brest- Saint Malo, ne sentant plus la mer que j'aime comme un tableau à caresser, je suis pris de panique, l'ouest me démange, une peur de mourir de travers, à côté, me saisit. Alors qu'ici, voilà, tout peut m'arriver."

Georges PERROS.
Papiers collés 3




dimanche 5 janvier 2014

georges perros (3/4) - Vidéo Dailymotion. Dessiner ce qu'on a envie d'écrire

georges perros (3/4) - Vidéo Dailymotion

Extraits d'un livre de Perros que m'a dédicacé Frédéric Poulot, son fils, (au nom du père et du fils et de l'esprit, pas saint du tout, mais très sain )...rencontré par hasard à Douarnenez.

Voici quelques textes qui parlent du rapport que Perros entretenait avec la peinture.

1 J'envie les peintres. Il me semble que ce qui nous reste de bonne folie, de hardiesse, de liberté à l'état pur, brut,participe de leur geste exemplaire. Il y a mieux. On perd rarement son temps avec un peintre, sa parole est presque toujours conductrice d'un rêve que le langage du poète aurait tendance à écraser ou à planifier, dans le pléonasme du mot pour mot. Il  y a un bonheur du peintre , qui vient de son travail même, à mi-chemin entre l'artisanat et la féérie. Car si écrire, c'est rentrer chez les hommes, chez soi, en quelque sorte, peindre, c'est rester dans une enfance que l'épreuve de la plus ingrate majorité ne parvient pas à entamer. À perturber. C'est passer du tableau noir au tableau blanc, sans rupture de charme.

2 Le tableau dit à l'homme : "Ce que tu penses ne me regarde pas." (...)ce qu'on en pense n'a guère d'intérêt. Le tableau empêche de penser comme on a coutume de le faire, il remet la pensée à plus tard, comme un dictateur bénéfique, un marchand d'espace. Un tableau renforce la solitude originelle de l'homme, il est bien difficile d'être deux devant un tableau, il exige la séparation.

3 Que va faire le poète chez le peintre? Se rafraîchir les idées.

4 Il semble donc que le peintre digne de ce beau nom travaille à prélever des fragments de rêve englués, engloutis dans le corps poisseux du réel...

5 Le peintre montrant ses tableaux n'est jamais un homme tranquille. Il sait très bien qu'il n'y a aucune équivalence concevable entre le résultat désormais brut de son travail difficile, là, sur le mur, et ces gens qui viennent se faire passer en revue par l' œuvre au garde-à-vous, sans doute mortifiée d'avoir été mise au mur du jour après avoir été royalement, quoique clandestinement, exposée à celui de la nuit.

                                                                                              Papiers collés 2

6 L'écriture c'est passer le temps.
   La musique c'est le faire passer.
   La peinture c'est l'effacer.

                                                                                              Papiers collés 3

7 Tableaux de plein air.
   Les tableaux ne font plus partie du mobilier, mais de l'espace. Fragments du monde
   absolu accrochés à un mur qui lui-même est dans le vent.

                                                                                              Papiers collés 2

8 Je n'ai pas envie " d'écrire un livre ".
    L'envie de dessiner plutôt que d'écrire. L'envie de dessiner ce qu'on a envie d'écrire...Et voilà qu'il me faut écrire que j'étais parti pour pour...dessiner.

                                                                                              Je suis toujours ce que je vais devenir

samedi 4 janvier 2014

▶ georges perros (2/4) - Vidéo Dailymotion

▶ georges perros (2/4) - Vidéo Dailymotion

Photo de Thersiquel
Georges Perros dans son grenier.
Il avait beaucoup de grain à moudre
sans parler des grains sur Douarnenez.

Suite de morceaux choisis dans PAPIERS COLLÉS  Tome 1 :

1 Le comble du pessimisme : croire en Dieu.

2 Je me fais des idées blanches.

3 Si je perds ma dignité avec Y, je la retrouve avec X qui ignore Y.

4 On ne peut pas se forcer à aimer, et c'est là précisément l'amour.

5 Parfois le soir, il me prend envie de téléphoner au bon Dieu. Oui.

6 Il y a pire que la modestie. C'est la peur de l'orgueil.

7 "Si Dieu n'existe pas tout est permis." Je crois que l'effrayant, c'est que tout est permis,    même s'il existe.

8 Faire l'amour : se battre chaud.

9 Pour être bon il faut se moquer de ce que pensent les autres.

10 Cours d'éducation moderne. Dites trois fois : Dieu est mort. La vie est absurde. Il faut une révolution, etc. C'est bien . Maintenant, allez jouer aux billes.

À suivre ...

vendredi 3 janvier 2014

Ramender le temps


Le temps est décousu
un tissu déchiré
plein de trous
plus de quoi en faire une trame
Il faudra le ramender.

She's standing alone
in the mist
Les cordes du ciel sont tendues
brouillard en écharpe
avancer dans le blanc.

Ma pensée s'envole
le silence vibre
elle s'assied sur le sol
elle se pose et se repose
comme une question sans réponse

l'arc reste tendu
écrire
passer d'une lumière à une autre lumière
suivre le fil
y accrocher quelques images à sécher.

Ecouter le vent
tendre le filet des rêves
capturer un poème

Je me suis abrité
sous mes rêves
et ne crains plus la pluie

Jacques Poullaouec.


Épigraphe choisi par Henri Michaux pour son texte "Passages"

Koyu, le religieux, dit : "seule une personne de compréhension réduite désire arranger les choses en séries complètes. C'est l'incomplétude qui est désirable. En tout mauvaise est la régularité."
Dans les palais d'autrefois, on laissait toujours un bâtiment inachevé, obligatoirement.

Tsuredzure Guza par Yoshida No Kaneyoshi ( XIVè siècle)




jeudi 2 janvier 2014

Georges PERROS , un homme et ses "papiers collés".

Parmi les hommes avec qui j'aurais aimé parler, il y en a quelques uns, hélas disparus pour la plupart mais qui pour moi sont bien plus vivants que beaucoup de nos contemporains . Je vais ici commencer à les présenter au gré de mes papillonnages dans les rayons de ma bibliothèque.Les bons livres sont des conversations longues de comptoirs.
En ces temps de tempêtes j'imagine que je rentre dans un bistrot de Douarnenez et  que j'écoute parler Georges Perros ( de son vrai nom Georges Poulot 1923/1978):

"La poésie, c'est une femme nue qui se baladerait sur les Champs-Elysées en plein jour, et qu'on ne remarquerait pas. Qu'on ne verrait pas. Sinon, brièvement, les aveugles.

"Après tout , je ne suis pas bon à grand-chose. Je m'en rends compte de plus en plus fréquemment. Et c'est presque un cas de suicide. Je vis au bord de la mer, mais demandez-moi de naviguer, j'en suis incapable. Je fais des enfants à une femme qui n'en demandait pas tant, en ayant déjà quelques uns, mais si besoin était, je ne suis pas foutu de l'aider à accoucher. Je ne me sens pas un salaud pour autant, mais ce manque de connaissances humaines me rend parfois très malheureux, et le mot est faible.Ce que je sais faire n'a pas lieu sur le marché quotidien, et ce savoir est si mince, si précaire, qu'il est loin de me rassurer sur le bien-fondé de ma présence.J'ai donc fui les êtres capables de me rendre intéressant ; facile, très simple. On m'a trouvé un peu farfelu, mais je savais ce que je ne voulais pas. Je reste nez à nez avec ce que je veux. J'ai fini par comprendre que je ne voulais rien. Et qu'on me donnait toujours quelque chose.Qui me faisait exister. Cette obsession de liberté qui m'a animé,, qui est mon mouvement perpétuel, eh bien le voilà satisfait. Je suis libre. On peut me dire n'importe quoi, les hommes peuvent me faire du mal, ce n'est rien. Les hommes ne peuvent plus que me faire du bien (bien attrapés!) Ils sont condamnés à ne plus pouvoir que me faire du bien. En fait, je voulais dire que me voilà bien seul. Sans nulle nostalgie ou aigreur. Sans rien. Je ne suis pas amoureux fou de la "nature" , ni de cet objet, ni de cette femme qui passe. La mort n'aura pas grand-peine à m'envahir. J'aurai travaillé pour elle."

"Je préfère la liberté de l'autre à la mienne. Pour qu'il me laisse libre."

"Un homme pris de poésie, comme on dit pris de boisson, malheur à lui, à ses proches, à ses volontés."

"Sans la littérature, on ne saurait ce que pense un homme quand il est seul."

"Travailler ! Travailler ! Comme si j'avais le temps."

"L'écrivain n'est jamais que le nègre de l'enfant qui a déjà tout vu."

PAPIERS COLLÉS ( 3 tomes / Gallimard )

Quatrième de couverture

Volontairement, paresseusement, éperdument, Georges Perros note. Bribes et morceaux ; fulgurations, colères, angoisse, apaisement, selon l'humeur, la lecture, le lieu, bref, comme tout le monde vit : par moments, par éclairs, par éclats.

Biographie de l'auteur

Né à Paris le 23 août 1923, Georges Poulot étudie l'art dramatique au Centre du spectacle de 1939 à 1946. Engagé à la Comédie-Française, il renonce pourtant au métier de comédien en 1950, devient alors lecteur au T.N.P. de Jean Vilar, puis pour le compte des Éditions Gallimard, où il se lie d'amitié avec les principaux membres de la N.R.F. Retiré en Bretagne, à Douarnenez, dès 1959, Georges Perros est mort le 24 janvier 1978 à Paris.


▶ georges perros - Vidéo Dailymotion

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L'homme à la moto
"Le professeur d'ignorance" , (tel était le titre que Perros s'était malicieusement attribué), remontait à moto de Douarnenez à la Faculté des lettres de Brest dans les années 68/70, pour donner à quelques étudiants des cours d'ignorance. Ceux-ci se tenaient dans un café ou en marchant, comme les péripatéticiens,sous "le portique" ou dans les couloirs de la fac.

Opalka - Fondu au blanc

mercredi 1 janvier 2014

OUVRIR / FERMER



Fermer Ouvrir
Une porte se ferme
une autre s'ouvre
Janvier le mois de Janus, le dieu à double face qui pouvait regarder devant derrière.

Beckett dans "Fin de partie": "La fin est dans le commencement et cependant on       continue."



...faisait écho à T.S. Eliot :" Or say that the end precedes the beginning,
                                                 And the end and the beginning were always there
                                                 Before the beginning and after the end.
                                                 And all is always now..."

                                                 "Ou disons que la fin précède le commencement,
                                                 Que la fin et le commencement ont toujours été là
                                                 Avant le commencement , après la fin.
                                                 Et tout est toujours maintenant..." 

                                                 "La Terre Vaine".

qui faisait écho à Saint Augustin qui parle des 3 modes du temps, des 3 formes de présence à la conscience :
                                                 Le présent des choses passées
                                                 Le présent des choses présentes
                                                 Le présent des choses futures.



                                                   Bonne Année à chacun

                                                             Bloavez Mad.