ça y est, il est là
Géorama a réussi à faire entrer Ouessant dans un carré de 23cm.X 23 cm.
Ce carré et cette île peuvent prendre place dans ma bibliothèque et la vôtre peut-être.
Allez visiter le site de Géorama, l'éditeur brestois qui a tenu la gageure d'éditer de la poésie dialoguant avec des photographies.
http://www.georama.fr/f/index.php?sp=liv&livre_id=59
Vous trouverez sur ce lien une présentation de notre livre : photographies d' Hervé Inisan
et rêves de son oncle Jacques, votre serviteur.Vous pourrez feuilleter quelques extraits
2 ans de rêves éveillés pour cette dérive onirique vers une île de rêve, bien réelle.
"Rêver Ouessant."
Date de parution : juin 2012
ISBN : 978-2-915002-4-78
23 X 23 CM
relié cartonné
Rayon : BRETAGNE
148 pages
27 €
"Il ne suffit pas d’être entourée d’eau pour être une île. Il faut que l’insularité soit singularité et que, risquant plus que ses grèves et ses landes, elle devienne une expérience. Il ne suffit pas de prendre le bateau, de traverser le Fromveur pour être à Ouessant, pour voir l’île dans son essence, la rare, pour y découvrir la secrète alliance de son espace et de nos voeux. En cela une île, une île véritable est un comme un théâtre, un monde en soi. Sans comparaison possible et clos sur lui même dans une exactitude mystérieuse. Et ce monde en soi parle du monde, parle de la totalité mieux que les livres. Mais plus qu’une métaphore, l’île est un monde à partir duquel le rapport au monde peut se réinventer non pas une image miniature du monde mais la porte même des infinis Sans montagne on ne verrait pas le ciel, sans désert on ne verrait pas le sable, sans forêt on ne saurait rien des arbres et sans Ouessant une connaissance de l’océan manquerait. Un océan qui à partir de cette petite terre en forme de pince de crabe semble avoir gardé toute l’exigence des temps anciens. L’ailleurs s’y déploie jusqu’à se confondre à l’horizon avec nos désirs inassouvis et nos destins interrompus. À Ouessant il y a des chemins qui mènent n’importe où en dehors du monde ."
Extrait de la préface d'Olivier Py, auteur, metteur en scène, comédien et directeur du Théâtre National de l'Odéon. Prendra la direction du Festival d'Avignon, à partir de septembre 2013. Olivier Py aime séjourner à Ouessant dont il a fait son ermitage.
LES MOTS D'OUESSANT
A Ouessant
on ne gaspille rien
même pas ses mots
avec ces vents de Noroit
on ne sait jamais
les mots pourraient voler jusqu'aux oreilles du voisin
ou te revenir en pleine gueule
comme la fumée de tourbe
rabattue sur le toit
A Ouessant
il y a des mots chuchotés dans les coquillages
depuis si longtemps déjà
et qui remontent la spirale du temps
comme un souffle
longtemps...longtemps après
quand tu colles le labyrinthe de ton oreille
à cette conque marine
posée sur le banc de pierre
posée sur le banc des rêves
devant la maison
alors les souvenirs te remontent
avec la marée des mots
A Ouessant
on ne gaspille rien
mais il y a des mots que l'on partage
des mots qui traînent
dans le bourg de Lampaul
des mots qu'on cogne
comme les sabots à l'entrée du bistro
des mots qui ouvrent le rire
du patron de la Boulange
des mots partagés comme du bon pain
avec les allongés du cimetière d'à côté
quand on leur apporte des nouvelles fraîches des vivants
Parfois les mots sont joyeux
comme à Kerlaouen
quand Madame Pennec
juchée sur son vélo
lâche ses mots
mais pas son guidon :
« je trace au bourg
pareille comme un oiseau »
A Ouessant
il y a des mots qui glissent
le long des dunes et des touffes de moudez
enez eussa
il y a des mots qui courent
au ras des rocs
des mots courts et rugueux
comme les rochers
d'autres qui s'apprivoisent
comme des galets posés sur les bris
et les billes de bois
déposés par la vague sur le sable.
quand on quitte les porz
pour aller vers les ker
Porz glas, Porz gwen
Porz arlan, Porz gored
Kernic, Kere'here
Kerouet, Keranchas
Kervasdoue
Certains mots restent parfois dans la gorge
comme une arête de poisson
Keradennec
Parluc'hen
Toulalan
ces mots font du bruit
quand ils sortent de la gorge
mais ils ne font que chanter
les fougères
le pré au clair
ou la lande dans les trous.
A Ouessant
on ne cherche pas de complications
mais on trouve du mystère
quand le vent fait hurler ses mots
autour de la Villa des Tempêtes
quand Pern enveloppe de brume
les tempes de Nividic.
Marcher, marcher
sur les dunes de Pern
avancer, avancer
avec peine
lutter contre le vent
les bras ouverts
vouloir saisir le corps du vent
et ne rien saisir du tout
et tout comprendre
c'est la vie que tu accroches là
tu t'en approches si fort
tu veux parler au vent
et tu ne peux pas
tu veux lui crier tes mots
il te les enfonce dans la gorge
et t'impose les siens
c'est le vent qui te parle
dans une langue que tu ne connais pas
mais que tu comprends
des mots de sel
collés sur ton visage
par les embruns.
Quand le prince des Morgans
chantait sur la grève du Korz
pour appeler Mona
il criait son nom et celui des rochers.
A Pern , toi aussi tu as crié contre le vent
et comme lui tu as appelé :
« Mona »
tes mots te sont revenus
en pleine gueule.
Ne restait qu'un bruit de sabots.
Tu écoutais la cavalcade
d'Ar Gazec Koz
la vieille jument
tu écoutais sans chercher à comprendre
Des anges passèrent
rêves de plumes
Alors tu t'es tu
les goélands aussi.
Jacques Poullaouec
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