"Je ne sais quoi et Presque rien"
Voilà un titre et modeste et ambitieux, directement emprunté au philosophe Vladimir Jankelevitch.
Gravure et contrecollé de Jacques Poullaouec
Peinture à l'encaustique de Pierre Converset
Je
ne sais quoi et presque rien
« Pour toute la
beauté
jamais je ne me perdrai
sinon pour un je ne
sais quoi
qui s'atteint
d'aventure. »
Jean
de la Croix
Parfois on ne trouve pas ce qu'on cherche mais on trouve
ce qu'on n'a pas cherché et qui nous arrive d'aventure.
Sérendipité !
L'artiste est toujours en avant de soi ; sa main
précède son esprit qui, comme l'aveugle, marche, avance
progressivement, à tâtons. Il invente son parcours, sans en
connaître le but. Il faut donc se lancer à l'assaut de l'imprévu,
comme le bateau qui affronte la vague.
Se laisser dériver sur ses lignes d'erre ; pas de
message, pas de figuration, mais un rapport de clair et d'obscur. On
peut dire comment on navigue sur le papier ou sur la toile, on ne
peut dire le pourquoi. Sur l'espace ouvert par la main, au départ
c'est « presque rien » et à l'arrivée c'est un « je
ne sais quoi ». Ce n'est pas aveu d'ignorance, bien au
contraire, c'est la recherche délibérée de « l'inconnu, pour
trouver du nouveau » (derniers mots des Fleurs du Mal de
Baudelaire)
Exprimer l'inexprimable, l'entre-deux, la zone de
brouillard, de brouillage, de fading, d'embrouillement. Cette
aventure est quelque chose d'indéfini, d'indéfinissable ;
quelque chose qui ne s'apprend pas ; c'est le faire qui
importe, le « poïeïn » de l'étymologie
grecque du mot « Poésie ».
Le titre que nous avons choisi pour cette exposition est
à la fois modeste et ambitieux. Nous l'avons emprunté à Vladimir
Jankélévitch qui dit du « presque rien » : « Je
ne sais ce qu'il est, mais il n'est pas « je ne sais quoi » ;
je ne sais ce qu'il est, mais il est à coup sûr quelque chose ».
La main du peintre et celle du graveur ont une mémoire qui remonte
dans leurs gestes, sans qu'ils l'aient préméditée ; c'est une
anamnèse, une réminiscence, « une trace qui ne laisse pas
de traces. Elle n'a pas le poids du souvenir, elle est plutôt la
touche fugitive qui nous effleure, souvent même à notre insu … À
la fois il en reste quelque chose et il n'en reste rien ».
Pierre
Converset
Jacques
Poullaouec.
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