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mardi 27 octobre 2020

Haïku...La troisième vie de mon chat



 D'aucuns disent que le chat a 9 vies . Le mien va bientôt vivre sa troisième édition , revue et augmentée, chez Géorama , éditeur breton de Porspoder (29)mais diffusé sur toute la France. Didier Labouche m'a confié les illustrations de cette édition : gravures, dessins et montages . Parution annoncée pour le 15 novembre .


Préface .


« J'ai beaucoup étudié les philosophes et les chats.

La sagesse des chats est infiniment supérieure. »

Hippolyte Taine



Ce recueil de haïkus est une sorte d'inventaire à la Prévert des sensations que l'on peut éprouver quand on regarde un chat avec attention . J'ai choisi de dérouler devant vous ce makimono* de poèmes brefs accompagnés par mes gravures et illustrations .


J'ai donc essayé de donner ma langue au chat, de lui prêter mes mots et les trois lignes du haïku pour le laisser parler à sa manière, dans son propre langage, fait de signes, fulgurances, miaulements ou silences . C'est dans son microcosme et dans l'espace- minime-minimum du plus petit poème du monde que j'ai voulu saisir cet être insaisissable que les Japonais nomment « neko », ce qui signifie « animal dont les poils se hérissent comme les herbes dans la rizière ». Par sa soudaine mobilité qui succède à l'immobilité la plus totale, le chat est emblématique du haïku : tous les deux aiment les courts circuits entre le fueki, c'est à dire l'invariant, l'immuable et le ryuko, c'est à dire le mouvement, la surprise . L'artiste et le chat ont ceci en commun d'être occupés sans avoir rien à faire . Le chat occupe son temps à occuper le Temps.

Donner sa langue au chat, c'est aussi renoncer, abandonner et s'abandonner, ne pas chercher à expliquer l'inexplicable. Selon Jean Paulhan, le haïku est « un poème sans explication ». C'est donc plutôt le chat qui me donne sa langue, son langage et non l'inverse. Il m'envoie des signes que j'essaie de mettre en mots, tels quels, sans expliquer quoi que ce soit . « No concept, no affect, only percept » ! Voilà ma règle. Pardonnez ce jargon, mais il résumerait assez bien, à mon avis, ce que n'est pas et ce que doit être un haïku : pas de concept, ni théorie ni message à transmettre...pas d'exagération de sentiments, pas de pathos...  « pas de poésie patheuse », comme le recommandait Francis Ponge. Il faut appeler chat un chat. Mais uniquement des perceptions, des sensations .C'est au lecteur, et non à l'auteur de les transformer en sentiments.

Alors oui, au bout ce voyage, j'ai tenté de donner ma langue au chat, dans la double acception de cette expression . Je n'ai pas voulu courir le risque de dire , comme Matsume Soseki* :  « je suis un chat » .Le miroir taoïste ne retient rien, donne une image furtive mais essentielle de la vie. De même le haïku cherche à saisir l'instant sans pouvoir ni vouloir le capturer .Pfuitt...le chat est déjà parti ! Dans cette suite de poèmes, il y a beaucoup plus de questions que de réponses . La queue du chat ne prend-elle pas souvent la forme d'un point d'interrogation ?


Contentons-nous de rêver . En changeant « le papillon » en « chat » le célèbre apologue chinois deviendrait celui-ci : « Tchouang-Tseu rêve qu'il est un chat, mais n'est-ce point le chat qui rêve qu'il est Tchouang-Tseu ? »


Jacques Poullaouec

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    *Makimono désigne en langue japonaise le rouleau manuscrit ou peint que l'on déroule et lit horizontalement.

*Soseki, écrivain japonais ( 1867-1916),auteur de haïkus et du roman « Je suis un chat ».

*Tchouang-Tseu, penseur taoïste chinois du IV ème siècle av.J.C.






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